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A propos des Mythologiques aux bidons de JB Barret

Fabienne VIALA

Associate professor 

University of Warwick

 

La série mythobidon de JB.Barret se présente comme un anti-bodyscape : il y a un bien un corps qui interpelle notre regard au milieu d’un paysage « exotique » (exotique seulement pour celui qui n’en est pas familier mais en tout cas un paysage esthétique, impressionnant, tropicale et antillais). Pourtant le corps qui joue le premier rôle dans cet espace « autre » est masqué par un bidon qui appelle le vide, le creux, comme un appel d’air qui invite à être rempli par notre regard, ouvert et non figé. Ces personnages posés sur le paysage (comme en décalcomanie surajoutée) montrent droitement leurs corps autant qu’ils dérobent leurs visages. Le bidon crée un espace vacant où l’on pourrait si on le souhaitait découper et coller notre photo d’identité, ou le visage que notre imagination dessine. En même temps le masque-bidon insuffle une théâtralité toute mélodramatique à la photographie et fait du paysage l’espace scénique d’une représentation allégorique : masque de tragédie qui inquiète et inspire la terreur, masque de comédie qui déjoue les mystifications identitaires. Dans mytho-bidon se déconstruit la mythologie qui fige (le bodyscape qui prétend que l’autre fait corps avec le paysage, sous couvert de déterminisme socio racial pour justifier  l’exploitation qui en résulte). Ici le personnage mythique (chaque photo pourrait avoir le nom d’un personnage phare de l’Odyssée) est beau et fier dans la mesure où son visage nous échappe. Des lors que son visage se dérobe à notre préhension visuelle, on ne peut l’interpréter dans la fixité pas plus que l’essentialiser dans un stéréotype visuel. Barret confère ainsi une plus grande humanité à l’humain et nous offre un espace possible pour nous libérer des contraintes identitaires qui étouffe la mémoire. La variation allégorique est le modus operandi qui remplace la répétition traumatique et l’identité figée par une narration photographique, qui déjoue le portrait, désarme le paysage et court-circuite le figement identitaire. Chacun peut s’approprier l’image et mettre du sens sur sa propre mythobidon.

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